Régénérer la démocratie locale par le dialogue territorial?

par | Juin 18, 2025 | Berriak, Blog | 0 commentaires

Deux temps-forts récents où la vitalité démocratique était en débat : le forum régional des développeurs territoriaux (organisé par PQN-A, à Mont-de-Marsan) et le festival « Mission Régénération » à Anglet (organisé par Open Lande).

Ma participation à deux évènements récents m’a permis d’échanger avec de nombreux acteurs sur les voies d’amélioration de notre démocratie locale. Tout d’abord à Mont-de-Marsan, vendredi 13 juin, où Pays et Quartiers de Nouvelle-Aquitaine (PQN-A) organisait le forum annuel des développeurs territoriaux, consacré au dialogue territorial. Près de 80 acteurs de toute la région (pour la grande majorité des agents de développement et animateurs locaux) ont pu creuser les différentes dimensions de ce dialogue, qu’il soit à l’échelle d’un territoire, d’un projet plus précis, d’un dispositif financier, d’un quartier, etc. La matinée a permis des échanges très libres entre acteurs, par thématiques (pour ma part sur les questions d’insertion économique) et collectivement autour des problématiques rencontrées dans le métier de développeur local. L’après-midi, j’ai animé l’atelier consacré aux « instances formelles ».

Il ressort de tous ces débats que l’institutionnalisation des territoires et des procédures contractuelles semblent avoir freiné la dynamique de développement local, celle qui part des territoires et du dialogue entre acteurs publics et privés, habitants et décideurs. Le dialogue « institutionnel » (ex. instances de pilotage entre partenaires) prend souvent le dessus sur le dialogue direct et transversal entre acteurs. « Revenons à moins de procédures et plus de stratégie sur nos territoires ! », ont pu clamer certains. Les développeurs locaux se trouvent souvent très contraints par des procédures administratives et des cadres politiques : les sujets sont fixés par les grandes institutions qui contractualisent (Etat, Région), et les territoires doivent s’y conformer… Certains animateurs ont défendu leur liberté à sortir des cadres, car leur cœur de métier est d’identifier les enjeux, les tendances, les signaux faibles… et de les traduire auprès des décideurs publics. Au chevet des territoires, ces animateurs sont parfois un peu seul à animer le débat local: qui est à leur chevet ? Le travail entre pairs, le co-mentorat, la formation continue… sont autant de pistes à explorer avec PQN-A pour renforcer la posture des développeurs territoriaux. Si la vie des instances participatives locales (comme les conseils de développement) varient d’un territoire à l’autre, il a été exprimé qu’il faut sortir de l’injonction de la participation : pour beaucoup d’habitants en difficulté, « leur vie est (déjà) un engagement! » (pour citer une participante au forum). Le corollaire du dialogue territorial est la coopération : nos territoires n’avanceront pas, ne transitionneront pas… sans démarches collectives et mobilisatrices de toutes les forces vives, sans approche globale et inter-institutionnelle (dépasser nos périmètres de compétences…). Alors, dialoguer, mais au service de quoi et de qui ?

Le lendemain à Anglet avait lieu le festival Mission Régénération à l’initiative d’Open Lande et d’une coalition d’acteurs engagés sur l’environnement. J’ai été invité à intervenir dans la table ronde « Comment régénérer la démocratie locale? ». Aux côtés de deux représentants de listes citoyennes municipales, j’ai pu expliquer les conditions de dialogue territorial que le Pays Basque avait su créer pendant plus 20 ans autour deux « parlements locaux » : celui des acteurs sociaux (conseil de développement) et celui des acteurs politiques (conseil des élus). Beaucoup de nouveaux habitants et acteurs, arrivés depuis moins de 10 ans sur le territoire, ne connaissent pas la dynamique qu’a connu le territoire. Avec recul, on peut constater le caractère innovant de la gouvernance basque. Et, en échos au thème de la veille (forum de PQN-A), nous pourrions nous poser la question à nous-mêmes : avec l’institutionnalisation de notre territoire, qu’avons-nous gagné et qu’avons-nous perdu ?

dialogue territoiral

EN SAVOIR +

L’instauration progressive d’instances formelles dédiées à la participation des acteurs du territoire peut apparaître comme une reconnaissance du besoin de modes de travail collaboratifs et de dialogue à l’échelle locale ou régionale. Le dialogue territorial peut se déployer à différents niveaux et échelles. Le temps d’un dispositif (ex. les comités de gestion de projets des fonds européens / cf. Leader), d’un mandat municipal (conseil de quartier, assemblée citoyenne) ou dans la durée (conseil de développement, conseil économique et social). Multi-thématiques (projet de territoire…) ou plus sectoriel : réunir les partenaires sociaux (dialogue social), les acteurs d’un milieu naturel (dialogue autour des défis de l’océan, impulsé par Surfrider Foundation). Plus ponctuel encore et souvent à l’initiative d’institutions (consultation, budget participatif…). Le dialogue territorial peut être une forme de médiation, de conciliation… voire de pacification et de réconciliation sur des terrains conflictuels. Comme la participation, le dialogue territorial peut-être plus ou moins impliquant… plus ou moins délibératif, institué… De la concertation, au travail collaboratif, de la co-construction à la co-décision. Du « être consulté » au « être associé »

Le questionnement posé au forum de PQN-A : si elles apportent un cadre de travail pour la société civile organisée et les habitants, est-ce que ces instances permettent  le dialogue territorial sur les questions les plus sensibles ? Font-elles bouger les lignes sur la décision publique ? Améliorent-elles le dialogue entre les collectivités et les parties prenantes ?

Le dialogue territorial est parfois posé comme un sujet central alors qu’il est un moyen (à moins que le but soit de re-créer du dialogue là où il n’y en a plus). Le dialogue peut être le sujet, le but, dans des cas particuliers (pacification, remobilisation…) ; mais il est le plus souvent un moyen, un objet au service d’un sujet plus grand, d’un but (ex. faire avancer le territoire, répondre à des défis…). 

Est-ce que le territoire ne redevient pas un objet ? et les institutions des sujets ? Qui sont au service de qui/quoi ?  Comment faire du dialogue dans la durée, u développement territorial dans la durée ?

Dans tous les cas, le dialogue nécessite un cadre clair sur les objectifs (pourquoi on est là, et pour quoi ?), des conditions favorables : instances, espaces, qualité de l’animation, moyens techniques et humains, temps, finances… ; une liberté de ton, un dépassement des postures techniques, politiques…

 

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