Demain, quelle économie en Iparralde ? [#3]

©Guillaume Fauveau : le retour du train de nuit en 2024, entre Paris et le Pays Basque]

*CHRONIQUE PARUE DANS L’HEBDOMADAIRE MEDIABASK DU 18 DECEMBRE 2025

Ce dernier épisode porte sur l’animation et la gouvernance, comme un moyen de tenir collectivement le cap d’un projet économique renouvelé.

Dans les épisodes 1 et 2, nous avons parlé de récit économique, de capital territorial, d’entrepreneuriat territorial. Nous avons aussi montré le risque que le Pays Basque soit toujours plus un territoire de consommation, avec des produits massivement importés de l’extérieur et une spécialisation de nos productions locales vouées à l’export. Un impact social et environnemental désastreux sur le long terme, une dépendance extérieure plus forte, et une empreinte écologique délocalisée : “Couvrez ce [bilan carbone] que je ne saurais voir” pour paraphraser Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière. Il nous faut donc reconsidérer à la fois nos modes de production et de consommation pour reprendre la main sur le développement futur du Pays Basque. Non, nous ne pourrons effectivement survivre à ne manger que de la viande, du fromage et du piment d’Espelette !

Les travaux du cabinet Utopies montrent que les secteurs d’activités les plus créateurs de richesse sont ceux qui ont su créer un maillage avec le tissu économique local préexistant, avec lequel se créent des coopérations, des partages de compétences, des opportunités d’affaires, des sauts productifs, des montées en gamme et en échelle. Autant de “possibilités adjacentes” inexploitées à 80 % dans la majorité des territoires que l’équipe du think tank Utopies a étudiés. Elle nous invite à quitter les logiques classiques d’attractivité, à investir, non pas dans toujours plus de promotion et d’infrastructures, mais dans l’animation économique, en prise directe avec la réalité des entreprises et des territoires.

Le maître-mot est la diversification. Diversification des activités existantes, diversification de productions (notamment agricoles), diversification des compétences et métiers, porteurs des emplois de demain. Bien entendu, il n’y a pas de modèle unique de diversification : il est propre à chaque territoire, à son patrimoine culturel et social, à ses savoir-faire… Et nous l’avons vu, l’ancrage local joue un rôle déterminant. Notre identité est un atout !

Cette diversité doit s’imaginer à plusieurs échelles et dans des complémentarités territoriales : soutenir d’un côté les microterritoires qui ont une certaine densité économique, comme la Soule (avec un quart des emplois industriels), et leur donner les moyens d’une forme d’autodéveloppement. De l’autre, créer de nouvelles alliances interterritoriales car le Pays Basque n’est pas le bon périmètre au niveau alimentaire et sur certains secteurs industriels. Il nous faut regarder au Nord comme au Sud (Hegoalde) : la coopération transfrontalière peut passer de l’idéal à la réalité.

Dans L’Entreprise hyper locale (édition Pearson), l’équipe d’Utopies invite à redéfinir le métier de développeur économique et propose un véritable mode d’emploi pour scanner nos activités et identifier tous les potentiels : les ressources dormantes (humaines, techniques, naturelles, stocks de matière…), les savoir-faire qu’il nous faut renforcer et réintroduire, pour améliorer nos forêts productives et nos échanges locaux.

C’est tout un ensemble d’acteurs locaux qui participent à la dynamique économique, à ce qu’Utopies appelle la “pollinisation économique” : entrepreneurs, développeurs de filières, animateurs locaux de vallées et de quartiers, clubs et réseaux d’entreprises, chambres consulaires, partenaires sociaux, associations de développement local, citoyens engagés, élus et agents des différents échelons de collectivités… Il y a tant de forces vives et de compétences sous-exploitées, qui agissent en parallèle les unes des autres. La stratégie de notre territoire ne peut se résumer à celle de la Communauté d’agglomération Pays Basque, alors que tant de leviers échappent au territoire : les règles fiscales sont au niveau de l’État, les aides aux entreprises au niveau de la Région…

Il nous faut désinstitutionnaliser le développement économique. La gouvernance territoriale de l’économie est à réinsuffler pour mobiliser les acteurs locaux autour de nouvelles stratégies de diversification, de réindustrialisation et d’autonomisation croissante du territoire. Oui, l’économie, c’est politique !