[l’essor du tourisme dans les années 70 / photo: auteur inconnu]
*CHRONIQUE PARUE DANS L’HEBDOMADAIRE MEDIABASK DU 27 NOVEMBRE 2025
Après avoir dessiné un “cap” possible, ouvrons des pistes pour écrire une nouvelle page du projet économique du Pays Basque.
Que reste-t-il aujourd’hui du récit économique du Pays Basque Nord ? La trajectoire des 50 dernières années montre combien nos aînés ont su mener de front réappropriations culturelle et économique, créer des entreprises et des ikastola. Cette “responsabilité territoriale des entreprises” est dans l’ADN d’Iparralde. C’est aujourd’hui une notion à la mode dans le monde universitaire. Ne réinventons pas la pluie !
Comme nous l’indique le cabinet et think tank Utopies : “Le développement du tissu économique est une construction dans le temps qui ne doit rien au hasard : un modèle socioculturel basé sur des savoir-faire, des ressources locales, une histoire et des valeurs, un mode de vie, un esprit entrepreneurial”. Ce capital social et culturel apparaît aujourd’hui pour les économistes comme un levier déterminant. Utopies redonne des lettres de noblesse à ce que nous connaissons bien ici : l’ancrage local favorise la coopération entre acteurs, la robustesse des activités, la mobilisation de l’épargne locale, etc.
Pour rebâtir un projet économique, réapproprions-nous cette connexion entre identité et économie : un récit à actualiser et à transmettre. Revalorisons la figure de “l’entrepreneur territorial” : celui pour qui le business est un moyen, et le but le territoire. L’entrepreneuriat inclut aussi bien l’entrepreneuriat agricole qu’industriel, l’entrepreneuriat social que culturel. Point de hiérarchies entre reprendre une exploitation ou une PME, créer une start’up ou une recyclerie, monter un spectacle ou un centre de formation. Que serait Izarbel s’il y a 30 ans, deux jeunes figures de l’économie locale, Jean-Roch Guiresse et Antton Lafont, n’avaient fait le pari fou d’y créer l’Estia, dont on reconnaît l’impact sur l’écosystème local ? C’est la diversité de cet entrepreneuriat qu’il faut reconnaître, encourager, soutenir.
Le second défi proposé est celui d’aller au cœur du moteur : ce que nous produisons et consommons. Attirer des entreprises et développer des zones d’activités n’a plus vraiment de sens. La rareté du foncier a l’avantage de nous obliger à penser plus en termes de contenus que de contenants : le territoire ne peut plus être le réceptacle de toute activité, qu’elle qu’en soit son impact. Pourquoi les entreprises du numérique sont plus valorisées que celles de l’ESS ? Limitons-nous le suréquipement commercial de notre territoire ? Pourquoi continuer à développer l’élevage alors que nous sommes si peu autonomes au niveau alimentaire ? À quel système de santé, à quels enjeux géopolitiques, contribuons-nous ? Autant de questions (et bien d’autres) qu’il serait intéressant de mettre sur la table.
Tout en assumant plus de production locale (agricole, artisanale, industrielle…), il nous faut trouver un cadre à la fois éthique et pragmatique. Éthique sur la vision de notre territoire pour le futur. Pragmatique sur des critères de soutien public aux activités économiques, comme par exemple : leur effet multiplicateur sur l’emploi local, leur potentiel de débouchés sur le territoire, leur empreinte écologique réelle, l’impact social… En effet, plus un territoire dispose d’une diversité de métiers et de compétences, plus il favorise l’inclusion sociale du plus grand nombre de catégories sociales. En termes de compétences, le secteur aéronautique, par exemple, regorge de savoir-faire transférables vers d’autres activités. Dans l’agriculture et l’agroalimentaire, la transition écologique nécessite une diversification et une végétalisation des productions. Comment accompagner qualitativement la mutation de ces secteurs ?
Ces orientations interpellent directement notre propre con-sommation de citoyens basques : on ne peut d’un côté défendre une agriculture paysanne et, de l’autre, remplir nos frigos de viande importée. Le rôle du consommateur est essentiel dans cette transition. Il est pourtant minimisé dans le discours politique et militant. Voici un exemple de pouvoir citoyen : imaginez l’impact financier si la moitié des habitants sortait son épargne de sa banque classique pour la déposer dans une banque coopérative investissant uniquement dans des entreprises éco-responsables ?

